NUCLÉAIRE (DROIT)

NUCLÉAIRE (DROIT)
NUCLÉAIRE (DROIT)

Par «droit de l’énergie nucléaire», terme employé de préférence aujourd’hui à «droit atomique», on entend «l’ensemble des règles juridiques spécifiques qui réglementent les conséquences sociales des phénomènes physiques de libération d’énergie par fission, fusion ou autres transformations des noyaux atomiques, y compris l’énergie des rayonnements ionisants quel qu’en soit la source» (Hans Fisherhof). Il convient de relever que le contrôle de la réaction de fusion, loin d’être acquis, donne lieu à peu de règles juridiques, que certains des textes ci-après régissent les rayons X, qu’ils soient produits par des tubes de Crookes ou par des radioéléments, enfin qu’on ne peut réglementer la radioactivité naturelle que si elle est «mobilisée» par l’homme (matériaux de construction, par exemple). Le recueil de textes publié par le C.E.A. comporte 576 pages. Le droit nucléaire ne constitue pas, en France, une branche de droit au sens strict, à l’instar du droit civil, car, très composite, ses textes sont pris en vertu des codes et lois existants, et il demeure médiocrement novateur. Mais on peut admettre qu’il constitue une branche de droit au sens large, comme le droit de l’environnement, en tant qu’incitation à étudier ses règles d’un point de vue particulier. Celui-ci réside dans l’attention à porter à la réception de règles dégagées au niveau international et dans un souci de cohérence transcendant les cloisonnements de notre droit. Dans cet esprit, on peut regrouper ses règles selon les problèmes qui se sont posés successivement et distinguer:

– un droit de la radioprotection, car les rayonnements ionisants peuvent être nocifs;

– la mise en œuvre de politiques de «non-prolifération» et de «protection physique», qui découlent de la possibilité d’employer les réactions nucléaires à des fins militaires;

– la prise des mesures de «sûreté nucléaire», découlant de l’utilisation énergétique de ces réactions, et l’insertion des installations nucléaires dans l’environnement naturel et social;

– la mise en place d’un régime spécial de responsabilité et de couverture du risque créé par ces installations.

1. Réglementation de la radioprotection

Les rayonnement ionisants, par transfert d’énergie à la matière vivante, y produisent des effets soit de fréquence et gravité proportionnels à la dose absorbée et au-dessus de certains seuils (effets non stochastiques), soit de fréquence, mais non de gravité, proportionnelle à cette dose (effets stochastiques). Ces derniers effets ne sont convenablement connus que pour des expositions à doses élevées sous forme d’un excès de cas dans une population par rapport à une population témoin.

À partir des données scientifiques synthétisées par le comité scientifique des Nations unies pour l’étude des radiations ionisantes (U.N.S.C.E.A.R.), la Commission internationale de protection radiologique (C.I.P.R.) créée en 1928 par un congrès international de radiologie, dégage la doctrine de la radioprotection. Posant, par hypothèse, que toute dose de rayonnements ionisants induit un effet stochastique nocif, elle en déduit que:

– Toute exposition aux rayonnements doit être justifiée par les avantages que procure l’activité entraînant cette exposition (principe de justification).

– L’exposition justifiée doit être réduite autant qu’on peut raisonnablement le faire, compte tenu des facteurs économiques et sociaux; le principe d’optimisation est aujourd’hui la clé de voûte du système.

– Le respect de limites permet de prévenir totalement les effets non stochastiques, mais de limiter seulement les effets stochastiques à un niveau équivalent à celui d’autres risques acceptés dans le travail ou la vie quotidienne (transports en commun). Elles ne représentent donc pas la frontière entre la sécurité et le danger, car elles sont aujourd’hui fixées très au-dessous du seuil des effets non stochastiques et même des niveaux où des effets stochastiques ont été effectivement constatés, tandis que l’hypothèse de base susmentionnée conduit à ne pas exclure l’éventualité de ces derniers effets au-dessous des limites. Les limites fixées pour les travailleurs constituent un correctif à l’application du principe d’optimisation pour tenir compte d’une répartition non homogène des avantages et inconvénients de l’activité entraînant la radio-exposition. Les limites fixées pour la population constituent une référence pour la conduite de la politique d’autorisation et de surveillance des activités nucléaires.

Organisation non gouvernementale, la C.I.P.R. ne peut faire que des recommandations. Leur transformation en prescriptions réglementaires s’opère en deux étapes, l’une internationale: l’Agence internationale de l’énergie atomique (A.I.E.A.) a élaboré des «normes fondamentales de radioprotection» et la Commission européenne a édicté de son côté des «normes de base» (1980-1984) par voie de directives qui obligent les États membres quant aux résultats à atteindre; l’autre nationale: la mise en conformité de la réglementation française avec ces directives révisées.

Ainsi, pour la protection des travailleurs, seul le décret no 86-1103 du 2 octobre 1986 est à jour. Il ne s’applique toutefois pas dans les installations nucléaires de base (I.N.B.), qui demeurent encore soumises au décret du 28 avril 1975, ni dans les mines, ni dans les unités et établissements de la Défense nationale régis par des textes particuliers.

En résumé, les lieux de travail sont classés en zones contrôlées ou surveillées selon que l’exposition est susceptible de dépasser trois dixièmes ou un dixième des limites annuelles fixées pour les travailleurs. Les travailleurs sont également classés en catégories A ou B selon que leurs conditions normales de travail sont ou non susceptibles d’entraîner un dépassement des trois dixièmes précités. Une dosimétrie d’ambiance est prescrite en toutes zones, et le travail doit s’effectuer sous la surveillance d’une «personne compétente». De plus, les travailleurs de la catégorie A font l’objet d’une dosimètrie individuelle et d’une surveillance médicale renforcée. D’autres réglementations tendent à assurer la protection des «personnes du public» en plus de celle des travailleurs. À la fois pour protéger les travailleurs et les «personnes du public», le transport des matières radioactives est réglementé. L’A.I.E.A. a dérivé de ses normes fondamentales une adaptation au problème du transport, le Règlement de transport des matières radioactives (1984), qui fait l’objet d’une adaptation à chaque mode de transport international par les organisations internationales compétentes (O.M.I., O.A.C.I., Office central pour le transport international par chemin de fer, Commission économique pour l’Europe des Nations unies). Les transports internes sont réglés par des arrêtés d’application du Règlement de transport des marchandises dangereuses de 1945 ou des textes particuliers, en harmonie avec les textes internationaux correspondants.

L’essentiel de leurs dispositions réside dans l’«emballage» qui doit conserver sa fonction d’écran et de confinement même en cas d’accident. Le Code de la santé publique interdit d’incorporer des radioéléments aux aliments et objets d’usage courant et soumet leur acquisition et emploi à autorisation (décret no 6-80 du 13 janvier 1986) délivrée par ou sur avis de la commission interministérielle des radioéléments artificiels. Cause de la plupart des accidents, ces «sources» ne peuvent être délivrées qu’à des personnes compétentes, et elles doivent être suivies jusqu’à mise au rebut dans des conditions sûres. La radiostérilisation du matériel médico-chirurgical et la radio-conservation d’aliments (par irradiation externe) sont réglementées. Cette dernière technique l’est également par décret no 70392 du 8 mai 1970. Mais un dernier effort d’harmonisation sur le plan international s’impose pour faciliter son développement.

Il convient de distinguer les effluents radioactifs, dont le rejet dans le milieu naturel est compatible avec la radioprotection de la population, et les déchets radioactifs, qui par leur forme et surtout leur activité doivent être stockés de façon sûre. Le rejet des effluents liquides ou gazeux radioactifs provenant des I.N.B. doit être autorisé par arrêté interministérel (décrets 74 945 du 6 nov. 1974 et no 741181 du 31 déc. 1974) après enquête publique et surtout études approfondies. En outre, la Commission européenne émet «un point de vue» (article 37 du traité Euratom), et diverses conventions internationales du droit de la mer confient à l’A.I.E.A. le soin de prohiber ou d’autoriser sous condition l’immersion de «déchets» (l’anglais ne possède qu’un seul mot).

Les normes de base comportent des dispositions sur les expositions accidentelles des travailleurs et prescrivent aux États membres de prévoir des «niveaux d’intervention» pour déclencher la prise de contre-mesures (évacuation, interdiction, de consommation d’aliments, etc.). Toute contre-mesure impliquant elle-même des risques ou inconvénients, le principe d’optimisation doit orienter la fixation de ces niveaux, d’où un niveau supérieur au-dessus duquel la prise de telle ou telle contre-mesure (évacuation, par exemple) s’impose, et un niveau inférieur, au-dessous duquel ses inconvénients l’emportent sur la réduction de la probabilité d’effets stochastiques escomptée. Ces niveaux seraient exprimés en doses absorbées par les individus. Mais il serait commode d’en dériver des concentrations d’activité dans l’environnement et les denrées alimentaires. À ce stade, l’harmonisation est politiquement souhaitable mais discutable du fait des différences de régimes alimentaires. L’accident de Tchernobyl (26 avr. 1986) est survenu alors que l’harmonisation sur le plan international, quoique très avancée, n’était pas encore parvenue à son terme, d’où une incohérence certaine entre les mesures prises. Par ailleurs, la France est liée avec les pays voisins par des accords d’information mutuelle, appuyés sur des accords d’assistance mutuelle. Cette solution a été généralisée par des conventions signées en août 1986 sous l’égide de l’A.I.E.A.

2. La non-prolifération et la protection physique

Les cinq États (États-Unis, U.R.S.S., Grande-Bretagne, France et Chine) qui se sont successivement dotés d’un armement nucléaire ont estimé de leur intérêt de découpler la négociation d’accords de désarmement, de la prise de mesures tendant à empêcher les autres États de se procurer ou de fabriquer des armes nucléaires (non-prolifération horizontale). Ces mesures, qualifiées de «contrôle de sécurité» ou «garanties», ont pour objet de permettre de déceler que ces autres États n’ont pas détourné une quantité significative de matières nucléaires dans le délai, variable selon l’état des matières, nécessaire à la confection d’armes nucléaires. Elles reposent sur une connaissance des installations et de leur fonctionnement, une comptabilité matière et des inventaires, un suivi des transferts et des inspections. La difficulté réside dans le fait que les matières nucléaires font l’objet de traitement et utilisations entraînant des pertes technologiques, et surtout des transformations nucléaires.

Imposé d’abord par les États-Unis, comme conditions des fournitures d’installations ou de matière convenues par accords de coopération bilatéraux, l’exercice du contrôle de sécurité a été ensuite confié à l’A.I.E.A. ou à Euratom ; c’est une des raisons de leur création. Fruit de la convergence entre les États-Unis et l’U.R.S.S. de leurs politiques de non-prolifération, le traité de non-prolifération (1968) marque une troisième étape en distinguant deux catégories d’États. Les États dotés d’armes nucléaires (la France et la Chine sans signer le traité en respectent l’esprit) s’engagent à ne pas transférer d’armes nucléaires ou aider un État non doté à les fabriquer. Les États non dotés d’armes, signataires, prennent l’engagement réciproque et surtout soumettent toutes leurs activités nucléaires aux «garanties» de l’A.I.E.A. La reconnaissance du droit pour tous les États d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques grâce à des échanges d’équipements, de matières, de technologies et la promesse de poursuivre de bonne foi les négociations de désarmement constituent des contreparties apparentes. Pour éviter une superposition systématique des contrôles exercés par l’A.I.E.A. et Euratom, un accord de «vérification» a été signé le 5 avril 1973, sur la base duquel la Communauté européenne a réorganisé son contrôle par règlement no 3227/76 du 19 octobre 1976. Dans le cas de la France, ce contrôle ne s’applique qu’aux matières de finalité civile, mais, comme les autres États dotés d’armes, la France a fait le geste d’accepter le supercontrôle de l’A.I.E.A. sur quelques installations et matières.

Quoique le T.N.P. (traité de non-prolifération) ait été ratifié par 132 États, il ne lie pas quelques États disposant d’un potentiel nucléaire et qui pourraient être incités par leur situation politique à se doter d’un armement nucléaire. D’où une quatrième étape, marquée par des restrictions imposées par les États fournisseurs, aux transferts de matières, installations, matériels ou technologies, sensibles du point de vue de la prolifération, et conditionnant les fournitures moins sensibles au contrôle de l’A.I.E.A., en particulier celles qui sont destinées à des États non liés par le traité de non-prolifération, mais ce contrôle ne porte que sur les matières et autres matériels livrés. Ces mesures résultent de déclarations parallèles de politique faites d’une part par les États fournisseurs signataires du traité de non-prolifération (comité Zangger) en 1974 et complétées en 1978, 1984 et 1985, d’autre part par ceux-ci et la France (Club de Londres) en 1978.

Le 16 avril 1987, la France et six autres États occidentaux ont annoncé la prise de dispositions destinées à limiter l’exportation d’engins balistiques capables de transporter des armes nucléaires. Certains pays engagés par les déclarations Zangger ou Londres (États-Unis, Australie, Canada, U.R.S.S.) souhaitaient aller plus loin et imposer aux États non liés par le traité de non-prolifération (et non dotés d’armes nucléaires) le contrôle de toutes leurs installations et activités nucléaires. Les trois États occidentaux précités ont en particulier exercé des pressions (embargo, par exemple) pour renégocier les accords existants et soumettre à leur consentement préalable les opérations d’enrichissement, de retraitement et de transferts par l’État client, y compris celles qui portent sur des matières produites grâce à des matières ou matériel livré.

Il en est résulté des tensions avec les pays dits intermédiaires (Argentine, Inde, par exemple), mécontents de constater un monopole des phases clés du cycle du combustible par les pays industrialisés auteurs des déclarations précitées et par suite du retour au bilatéralisme et du caractère discrétionnaire des octrois de consentement, une insécurité du commerce international nucléaire. Malgré des assouplissements apportés à la politique du Canada, de l’Australie et des États-Unis, la conciliation des préoccupations de non-prolifération et de sécurité des approvisionnements n’est pas acquise aujourd’hui. On relèvera toutefois la déclaration de politique commune de la Communauté européenne du 20 novembre 1984 qui pose le principe de la liberté des transferts intracommunautaires moyennant des sujétions imposées à certaines opérations concernant le plutonium ou l’enrichissement de l’uranium.

Au cours des années 1970, l’activité de groupes terroristes dans divers pays a pu faire craindre un détournement de matières nucléaires. Sous le titre de «protection physique», des mesures pratiques pour prévenir ce risque ont été recommandées par l’A.I.E.A. (1972 révisé 1977) et reprises comme conditions de fourniture par le Club de Londres et les accords bilatéraux subséquents. Une convention sur la protection physique du 3 mars 1980 (en vigueur en janvier 1987) oblige les États signataires à protéger les matières nucléaires «civiles» en cours de transport international et établit des modalités de coopération policière et d’entraide judiciaire pour parer aux menaces, récupérer les matières volées, châtier les coupables. Ces dernières dispositions s’appliquent aussi aux matières non en cours de transport international. Sur le plan interne, la loi no 80-572 du 25 juillet 1980 organise le «contrôle des matières nucléaires» tant civiles que militaires et soumet en particulier la détention et l’emploi des matières nucléaires à autorisation. La réglementation fondée sur cette loi s’attache également au transport de ces matières sous l’aspect de leur protection contre des détournements ou vols.

3. La sûreté nucléaire et le régime administratif des installations nucléaires de base

Quoiqu’un réacteur ne soit pas une bombe, les réactions nucléaires doivent y demeurer sous contrôle. Dans les autres installations où des matières fissiles sont œuvrées, les conditions nécessaires au déclenchement de ces réactions ne doivent pas être simultanément réunies. La «sûreté nucléaire» est l’ensemble des précautions qui permettent de prévenir les accidents nucléaires d’origine interne ou externe (séisme, par exemple) et d’en limiter les conséquences. Des principes et méthodes ont été dégagés (méthodes des barrières, de la défense en profondeur, approches probabilistes) par la confrontation des opinions, d’où une grande unité de vues dans les pays de l’O.C.D.E. Obligation au premier chef des exploitants, la sûreté nucléaire a conduit cependant à mettre en place, au cours des années 1960, des «structures» distinctes de ceux-ci pour procéder à un examen critique des projets et surveiller l’exécution des mesures décidées.

En France, l’exploitant établit des rapports de sûreté successifs, dont l’examen est confié, par le Service central de sûreté des installations nucléaires (S.C.S.I.N.), à l’Institut de protection et de sûreté nucléaire (I.P.S.N.), unité de mission du C.E.A., et pour avis à un groupe permanent d’experts. Cet examen de sûreté demeure largement distinct de la procédure administrative d’autorisation de création instituée par le décret no 63-1228 du 11 décembre 1963. Néanmoins, la plupart des prescriptions imposées par le décret d’autorisation de création ou insérées dans les autorisations ministérielles de chargement de combustible et mise en exploitation normale reflètent les conclusions de ces examens de sûreté.

Le décret de 1963 prévoyait l’élaboration d’une réglementation technique générale. Au sens strict, celle-ci se réduit à une adaptation de la réglementation, dite des mines, aux «chaudières nucléaires à eau sous pression» (A, 26 févr. 1974) et au contrôle de qualité (A, 10 avr. 1984). Mais, au sens plus large de soft law , les «options de sûreté» et les «règles fondamentales de sûreté» constituent une «codification» conforme à la «pratique réglementaire technique» du S.C.S.I.N. En outre, exploitants et constructeurs ont développé des «règles de conception et de construction» pour préciser les stipulations contractuelles. Sur le plan international, l’A.I.E.A. a transcrit l’expérience des pays occidentaux dans le programme Nuss (Nuclear Safety Standard) et offre les services d’équipes de spécialistes (Insag-Osart).

Sur le terrain du droit administratif, les installations nucléaires de base I.N.B. (c’est-à-dire les réacteurs principaux, installations du cycle du combustible et grands accélérateurs) sont soumis à trois réglementations spécifiques:

– Autorisation de création (D 11 déc. 1963) accordée par décret, après une instruction comprenant une enquête publique qui peut être l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique du droit de l’expropriation, un examen par la commission interministérielle des installations nucléaires de base et – ce qui est une singularité française – un avis conforme du ministre de la Santé publique. Une surveillance, dont la finalité est essentiellement de sûreté nucléaire, est exercée sur la construction et l’exploitation des I.N.B. par des inspecteurs. Un prix particulier est attaché par la S.C.S.I.N. à la collecte et à l’analyse systématiques des anomalies et incidents de fonctionnement.

– Autorisation de rejets d’effluents radioactifs liquides ou gazeux (cf. supra ).

– Autorisation de détention et d’emploi de matières nucléaires (cf. supra ).

En outre, des réglementations préexistantes ont fait l’objet d’adaptation. Les I.N.B. sont ainsi protégées contre les actes de malveillance en tant que «points sensibles». Une cohérence a été recherchée entre l’I.N.B. et les «installations classées» implantées sur son site. Une répartition des compétences entre l’exploitant (plan d’urgence interne) et les pouvoirs publics (plan particulier d’intervention) a été établie pour l’hypothèse d’accidents graves.

Enfin, les I.N.B. demeurent soumises à toutes autres réglementations qui les concernent indépendamment du caractère nucléaire, telles qu’expropriations, urbanisme et construction, rejets de nature thermique, sans parler de réglementations applicables en raison de la situation du site, par exemple la proximité d’un monument historique. La complexité de ce régime administratif s’est accrue au cours de la réalisation du programme nucléaire soit par adjonction, par exemple exigence du permis de construire (décret du 7 juill. 1977), soit par développement interne, ainsi la procédure d’enquête publique et l’exigence de l’étude d’impact (lois du 12 juill. 1983 et du 10 juill. 1976). Ces adjonctions et développements sont dus en partie à la prise en compte des critiques formulées par le mouvement écologiste. Au plus fort de l’exécution du programme, une planification des procédures adminsitratives a été établie au niveau interministériel pour éviter les blocages ou pertes de temps pouvant résulter de cette complexité. La construction des I.N.B. a enfin constitué le terrain d’élection de la procédure de grands chantiers et des commissions locales d’information.

4. Responsabilité civile nucléaire

L’emploi, principalement dans le domaine médical, des rayons X, puis des radioéléments, naturels (radium) d’abord, artificiels ensuite, a causé de nombreux accidents, mais dont chacun ne concernait qu’un petit nombre de victimes. Si bien que le droit classique de la responsabilité civile ou administrative ou le régime des accidents du travail et des maladies professionnelles (tabl. 6) a pu apporter à la solution de ces cas des réponses jugées satisfaisantes. Mais l’utilisation militaire puis civile des réactions nucléaires a conduit à formuler l’hypothèse qu’un accident survenu dans une installation nucléaire ou au cours du transport de matières nucléaires n’entraîne des dommages étendus. Il convenait à la fois de rassurer la population par une indemnisation garantie et de ne pas obérer la compétitivité de la nouvelle industrie en évitant une double couverture du risque par les constructeurs et par les exploitants. Alors que les assureurs ne bénéficiant pas d’une connaissance actuarielle du risque, au demeurant mal réparti, exigeaient de connaître la limite de leurs engagements, à l’instar des États-Unis (Price Anderson Act, 1957), mais selon une technique différente.

Le problème de la responsabilité civile nucléaire a été résolu par une convention signée à Paris dans le cadre de l’O.C.D.E. le 29 juillet 1960. Son application est limitée aux «accidents nucléaires» survenant dans les «installations nucléaires» (syn. I.N.B. sauf accélérateurs) ou au cours de transports de «substances nucléaires». L’exploitant de l’installation en cause (ou, en cas de transport, l’exploitant expéditeur ou destinataire) est seul responsable, même sans faute. Les victimes n’ont d’actions que contre lui et, sauf exception, l’exploitant ne peut exercer de droits de recours, en particulier contre les constructeurs ou fournisseurs de l’installation (règle de canalisation). La responsabilité de l’exploitant est limitée mais doit être couverte par assurance ou autre garantie financière à concurrence de la limite. Des règles résolvent enfin les problèmes de conflits de lois ou de juridiction susceptibles de se poser. Cette convention, ratifiée par quatorze États, lie la France.

Une convention, reposant sur les mêmes principes, a été signée à Vienne le 21 mai 1963 dans le cadre de l’A.I.E.A., mais ne lie que douze pays et, en particulier, n’a pas été signée par l’U.R.S.S.

La convention de Paris est complétée par une convention complémentaire signée à Bruxelles le 31 janvier 1963. Cette convention, en cas d’insuffisance de la couverture par assurance, prévoit un complément de couverture procuré par allocations de fonds publics, à charge, dans une première étape, de l’État sur le territoire duquel se trouve l’installation nucléaire dont l’exploitant est responsable, puis, dans une seconde étape, et si besoin, de tous les États signataires.

Par protocoles du 16 novembre 1982, les droits de tirages spéciaux ont été adoptés comme monnaie de compte et les montants de la convention complémentaire sensiblement relevés. Les conventions de Paris et de Bruxelles constituent une «loi uniforme» complétée par la loi no 68-943 du 30 octobre 1968, loi qui devra être adaptée aux protocoles précités lorsqu’ils seront ratifiés.

Certains problèmes continuent néanmoins de se poser. Le lien de causalité entre un dommage corporel de nature stochastique et un accident nucléaire ne peut être établi en l’état de la science que par extrapolation à des cas individuels d’une probabilité de caractère épidémiologique. Mais l’accident de Tchernobyl a montré que, abstraction faite du cas des travailleurs, les mesures de sauvegarde prises par les pouvoirs publics avaient pour effet de transformer un risque d’excès d’effets stochastiques en préjudices de nature économique. L’inclusion du coût de ces mesures parmi les dommages couverts par la convention de Paris est actuellement débattue. Certains pays (R.F.A., par exemple) ont posé le principe, au niveau national, d’une responsabilité illimitée de l’exploitant, mais la couverture demeure limitée et pour l’essentiel à charge de l’État. Enfin, l’accident précité suggère qu’un nouvel effort soit effectué pour obtenir la ratification des conventions de Vienne et de Paris par un plus grand nombre de pays afin de réparer sur une base plus sûre les dommages transfrontières tout en établissant un lien entre ces deux conventions qui ne se distinguent que par des divergences d’importance mineure.

Demeurent hors de ce régime spécial la question de la responsabilité des États en droit international, l’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles (tabl. 6) et la responsabilité découlant de l’emploi des rayons X ou radioéléments qui est régie par le droit classique (le premier jugement français remonte au 29 mars 1899).

Encyclopédie Universelle. 2012.

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